HJ : Mille mercis au Roi Cratère pour sa précieuse participation à ce compte rendu !
- 246 - Crépuscule du 5e jour du printemps. Epire - A 5 stades à l’est d’Archangelos, nord de la province de Prevezza. Camp de l’armée royale macédonienne.
« Un jeu de dupes… Cette campagne aura été un jeu de dupes » peste Eurypiade de Pella. « Ce ne sont pas là des manières honorables de faire la guerre… Il faudra que je pense à féliciter Orestos pour les renseignements de sa cellule noire… L’or de ses agents aurait été bien plus utiles en nouvelles phalanges. »
Aucune information des espions n’était valable : Carthage n’avait pas envoyé sa troisième armée en Afrique mais à Corcyre, Athènes n’avait pas renvoyée son armée en Béotie… Seul le départ de Sparte semblait être vérifié.
« Ceci dit », coupa Cratère d’Ephèse, « le jeu a fonctionné dans les deux sens… Je ne pense pas que les coalisés s’attendent à nous retrouver à nouveau regroupés à les attendre… Les rumeurs d’embarquement d’une armée en Chalcide, ainsi que la relève discrète de mon armée par l’armée d’Archidammos devant Ioanina a dû encourager cette concentration… Les conditions de vie sur Corcyre pendant l’hiver ont dû leur donner un avant goût des enfers : ils ne seront pas dépaysés quand nous leur offrirons leur passage pour le royaume d’Hadès ». et le stratège partit d’un rire guttural qui tira le roi de sa rêverie…
Les rapports arrivant de toute la province sont formels, de partout l’ennemi arrive en masse : de l’est, l’armée des Etoliens remonte en suivant la côte.
Débarquée à l’est des marais et attendant les étoliens, l’armée de Nicias revient, renforcée de celtes et des mercenaires carthaginois.
La garnison de Prevezza, où ce qu’il en reste après un hiver de privation et de maladies a été également renforcée et se prépare à faire une sortie...
« Et les carthaginois, où sont-ils ? », le roi Cratère alité ne quitte plus sa tente. Eurypiade répond calmement : « les carthaginois nous ont envoyés leur 3 armées, Majesté. C’est un grand honneur… une grande chance aussi d’écraser définitivement nos ennemis. Ils n’ont pas encore débarqué : leurs flottes sont en vue de la côte et ont été distancées par les Athéniens. Aux dernières nouvelles, l’intervention des escadres de Pharaon et de Rome ont perturbé le dispositif carthaginois et une partie des navires à fait demi-tour vers Corcyre. Le navire amiral était de ceux-là. ».
« Faites moi conduire au camp de Polyperchon », demanda le Roi. « Je suppose que vous savez ce que vous avez à faire de votre côté ».
«Oui Majesté. Permettez-moi, ce lieu sera le point de toutes les attaques… C’est folie. »
« Eurypiade, tu te préoccupes encore de ton roi... Seuls les Dieux décideront de mon avenir désormais ; quand bien même, cela n’a plus guère d’importance... » murmura le Roi en souriant tristement. « Eurypiade, je vous confie le Prince Alexandre : montrez lui que l’armée Macédonienne est bien la meilleure du monde connu. ».
En arrivant, à l’aube du lendemain, au campement de son vieux compère Polyperchon, le Roi comprit que ses instructions l’avaient précédé.
« Majesté, je suis honoré de ta présence…
- Relève-toi mon ami. Nous tenons l’occasion de changer la face du monde. Je ne voulais rater cela sous aucun prétexte. Tout est prêt ?
- Oui Majesté, comme tu l’as ordonné.
- Alors donne l’assaut… »
-246 –6e jour du printemps - Epire – Prevezza.
Chremonides en personne préparait sa sortie de Prevezza. Arrivé avec les renforts déposés par les escadres spartiates, il était sûr de son fait : la seule mention des 6 armées marchant sur Polyperchon, isolé, ferait lever le camp au Macédonien.
Du coup, il pensait avoir le temps de déployer ses troupes et de sortir de la ville tandis que les carthaginois accapareraient l'attention des assiégeants en débarquant plus au nord, le long de la côte.
Du haut des murs de Prevezza, il observait ses troupes qui se massaient, informes le long de la plage, non loin des fortifications macédoniennes..
Il descendit bientôt revêtir son armure. Aux alentour de la porte nord de Prevezza, les mercenaires celtes, les terribles Gésates de Gaule, montaient en ligne dan un concert de cris gutturaux et de crissements d'acier.
« Stratégos, les Macédoniens attaquent ! ». Un tiraillement dans sa nuque, synonyme d’imprévu, accompagna l’arrivée fracassante du porteur de la nouvelle.
« Comment cela, ils nous attaquent ? Ils ne savent pas que nos alliés débarquent en ce moment au nord et à l’est de la ville ? Il devrait être en train de fuir…
- Pire que cela, Stratège, les couleurs de la Basilike Ile de l'Agema flottent sur le camp de Polyperchon : le roi de Macédoine est là, avec sa Garde…
- Par les Dieux ! Ce vieux renard de Cratère est toujours surprenant…
- Viens vérifier par toi même… »
Chremonides enfourcha sa monture et, suivit par ses Pais et officiers, se fraya un passage à travers les derniers rangs massifs des Gésates.
Après avoir franchit la porte, Chremonidès fut pris à la gorge par la vision qui s’offrait à lui. Il blêmit et dû s’appuyer sur ll'encolure de son cheval.
La ligne de l’armée de Polyperchon n’était qu’à un stade de l’amas que formait encore son armée. Il se rendit compte sur le champ qu’il lui serait impossible de se former correctement...
A ce moment là… il vit ses troupes pointer du doigt la circonvalation de l’ennemi… Une énorme machine venait de faire son apparition sur une rampe qui n’existait pas l’été dernier et qui avait été construite pendant l’hiver.
« L’Hélépolis, la preneuse de ville… » murmura Chremonides, « par Zeus, ils l’ont reconstruite. ». Cette tour d’assaut gigantesque de 50 pieds de côté et plus de 100 pieds de haut avait été conçue par Démétrios, grand-père du roi Cratère et à laquelle il devait son surnom de Poliorcète… Au cours du siège de Rhodes, elle avait fait la différence et permis de prendre une forteresse réputée inviolable. Les catapultes hissées à son sommet avait repris leurs tirs, en direction des masses athéniennes …
Menée par des guerriers celtes, mais les Keltoi de Concolitanus, cette fois, elle avançait lentement mais sûrement vers la ville sans défense.
Entre la ville et son armée, la garnison de Prevezza, exténuée, venait de comprendre qu’il lui faudrait se battre sans espoir de retraite… Nombreux n’en avaient plus la force et tombaient les armes.
« Hoplites… formez la ligne ». dans un dernier espoir Chremonides tentait de rallier ses troupes d’élite pour redonner confiance à l’ensemble de son armée…
En face, la ligne avançait inexorablement deux phalanges formaient l’aile droite des macédoniens, au centre on trouvait les Argyraspides épiriotes et d’Archidammos, renforcés pendant l’hiver. Derrière eux venaient les vétérans des guerres contre les celtes que le Roi avait fait lever et rappeler de leur clérouquie. Une troisième phalange formait l’aile gauche. Des Iles d’hippakontistaï couvraient la distance entre l’aile gauche et la mer.
A peine avait-il détaillé le dispositif ennemi que le choc eut lieu : les hoplites faisaient jeu égal avec les phalanges de Polyperchon mais ne purent bientôt plus tenir sous le choc et l’organisation des sarissophores. Au centre, les Argyraspides, magnifiques et effrayants, se taillaient un chemin sanglant vers le stratège à travers la masse informe de l’armée athénienne…
En une heure, tout était terminé... La plupart des troupes grecques s’étaient rendues et Concolitanus avait débuté les pourparlers avec les celtes prisonniers pour qu’il s’engagent pour la Macédoine.
« Majesté, c’est une grande victoire, Prevezza est tombée et les renforts alliés défaits. » Polyperchon s’était penché sur le Roi qui ouvrit à peine les yeux.
« Très bien mon ami, fais moi porter dans la ville. Où sont les carthaginois ?
- Ils ont débarqué plus au nord et à l’est... Je pense qu’ils suivent le même plan de campagne qu’à l’été : une armée pour fermer la route d’Arta avec les grecs, deux autres pour venir m’achever... Sauf qu’une manque à l’appel et que nous avons nous aussi nos surprises. » Un sourire carnassier s’ouvrit sur le visage du stratège. « Sans compter que ces armées devront traverser les champs de bataille de cet été... Les bûchers des dépouilles de leurs camarades sont encore bien visibles par endroit, de quoi refroidir leur ardeur...
- Alors, va, fait ce que tu as à faire. Que Klaros me tienne au courant des combats... »
-246 – 6e jour du printemps - Epire – Plage de Kanalis - 25 Stades au nord de Prevezza, 10 Stades à l’ouest d’Archangelos.
Le débarquement d’Himilcon avait été mouvementé... Non seulement il avait dû agir sous la menace des voiles romaines et lagides qui grossissaient à l’horizon mais surtout, une armée manquait à l’appel...
Initialement, la glorieuse et puissante armée de Carthage, menée par le Suffète Hannon lui même, aurait dû être à ses côtés pour briser le siège de Prevezza. A l’heure actuelle, cette dernière regagnait Corcyre... « Remercions les Dieux que l’ennemi ne soit pas arrivé six heures plus tôt : nous serions tous au fond de la mer... »
Rapidement, sa cavalerie numide s’était répandue dans la plaine : au nord, sur la route d’Arta, pour faire la jonction avec Amilcar et les grecs et au sud, pour repérer le dispositif de Polyperchon. Très vite, Himilcon s’aperçut qu’il se passait quelque chose d’anormal...
« Faites former l’armée en ordre de bataille, c’est un piège !
- Nous n’attendons pas Hannon, stratège ? Il va revenir sous peu, notre flotte était toute proche. Les hommes ont été chahutés par la traversée et le débarquement hâtif, ils sont besoin de souffler.
- Non, si nous nous installons ici, nous sommes morts, faites former l’armée. » Son intuition ne le trompait jamais, il savait qu’il en aurait bientôt la confirmation...
La première fut l’annonce de l’assaut lancé par Polyperchon contre la sortie des athéniens... « Pourquoi user ses forces alors qu’il aurait été préférable qu’il marche sur moi... ou qu’il s’enfuit ? Peut être pense-t-il s’enfermer dans... »
Himilcon ne finit pas sa phrase. Le retour d’une patrouille numide du nord, décimée, dissipa tous les doutes : « Ils sont encore là... Ces chiens se sont joués de nous, ils n’ont pas quitté Prevezza. Aux armes compagnons, donnons leur la leçon qu’il mérite et vengeons Maharbal ! »
L’armée carthaginoise avait pris sa formation : sur les ailes, la cavalerie Maurétanienne, puis les Hoplites des cités alliées de Sagonte et Rosas (les Hoplites Siciliens sont en réserve), toutes deux précédées d’infanterie légère, enfin au centre, les celtes de Lugnatos et Concolictolis qu’Himilcon a bien du mal à faire rester dans sa ligne...Devant, déployée de part et d’autre de l’axe d’attaque des Celtes, les cavaliers lourds de Byrsa. L’Elite de l’aristocratie de Carthage.
« Mon ami » a dit Himilcon à Adonibaal d’Uttique, le commandant de la prestigieuse unité, « Nous allons devoir nous faire tuer afin de donner une chance à nos autres armées. Va droit au cœur de l’ennemi et prions les Dieux !"
Le commandant de la cavalerie d’élite se frappa la poitrine du poing. « Himilcon commande ! Nous emmènerons plus de macédoniens que leur passeur ne peut accueillir ! Ba’al nous aide ».
L’ennemi était apparut soudain, dissimulé dans un relief : trois fois plus nombreux.
Cratère d’Ephèse perçut son petit effet au flottement dans l’avancée de la ligne ennemie... « Il ne s’attendait peut être pas à nous voir si nombreux », gloussa le stratège à ses hetairoi. « Ils n’ont pas encore tout vu... ».
Les stratèges macédoniens avaient également disposé leurs armées très classiquement : hippakontistai thessaliens et podromos sur les ailes, au centre 6 stratégia de phalanges et entre la cavalerie et les phalanges les troupes d’élite : chrysaspides, argyraspides agema... Petites « entorses » au classicisme : les mercenaires thraces étaient dissimulés au sud avec les chalkaspides de l' agema, tandis que 6 hipparchies sont hors de vue de l’ennemi au nord, sous le commandement direct d’Eurypiade de Pella et du prince Alexandre.
Le rugissement des celtes alliés de Carthage tire le stratège de son inspection du dispositif : les tribus passent à l’attaque dans un désordre et une furie indescriptible. Flanquées de deux ailes de fer. La cavalerie lourde d’Adonibaal d’Uttique.
La perspective du butin, personnalisé par les boucliers en argent des argyraspides, a abattu le peu de discipline qu’avaient les mercenaires. Les corps s’empalent sur les sarisses qui ne plient pas. Par endroit, un colosse fait une trouée dans la phalange, puis disparaît au milieu de la masse compacte. L’effet de choc est toutefois atteint et l’avancée des phalanges se désunit quelque peu. Les escadrons de Carthage s’engouffrent dans la brèche et progressent vers Cratèros d’Ephèse et ses réserves.
Sur les ailes, les cavaleries légères font jeu égal.
Himilcon fait alors donner ses hoplites ibériques..
Alors que la mêlée bat son plein : les chalkaspides et les thraces passent à l’attaque sur le flanc droit de l’ennemi. Himilcon réagit immédiatement et fait donner sa réserve. En rangs serrés s’avancent les Hoplites siciliens....
« Maintenant ! » Cratère d’Ephèse donne le signal... et Himilcon comprend trop tard qu’il est perdu. Sur son flanc gauche, la cavalerie lourde macédonienne prend tout son dispositif à revers. La charge de ces 1500 lances, couvre le bruit de la bataille et pendant une seconde tous les regards se portent vers la crête au nord d’où surgissent les tétrarchies, en formation « en coin ».
Les celtes sont pris de panique et tournent les talons, achevés impitoyablement par les chrysaspides de l'Aagema et les javelots des peltastes. Les cavaliers de Byrsa, dont la pointe à presque atteint Cratére et ses hétaïroi sont isolés et, malgré des prodiges de valeurs, se retrouvent petit à petit jetés à bas de leurs montures et tombent sous les kopis des fantassins macédoniens.
La bataille est finie.