-242 - Mithridate et le nouveau Lion de Némée...

HJ : Le Roi Mithridate est aussi vaillant que sa calame est agile ! Merci pour ce RP épique...



Le nouveau lion de Némée

Les enfants courraient, hurlant, le front couvert de la sueur glacée de la terreur. Derrière eux ils entendirent le hurlement du fauve emplissant la nuit…

« Est-ce là ? » demanda le basileus.

« Oui roi Mithridate »

L’emplacement du massacre n’était qu’un amas de pierres rouges, de sang séchés et d’ossements d’enfants.

« Les bergers ne souffriront plus. J’en fait le serment par Autolyque le fondateur de Sinope ma capitale. » Les yeux du souverain le brûlaient. Son souffle s’accélérait de rage impuissante. Roi, il n’avait pu protéger ceux qui étaient le plus faible, ceux qui en conséquence dépendaient le plus de lui.

« Réunissez les armées présentes en Paphlagonie. En ce jour nous traquons les bêtes, tous les animaux sauvages. Toutes ces créatures seront chassées, tués ou confinés dans des réserves pour la curiosité des scientifiques. Mais jamais plus elles ne seront un danger pour ma population… Quand à ce fauve, je le tuerai de mes propres mains. Que les ordres soient transmis immédiatement. »

Le soleil brûlant de l’été chauffait les cuirasses des hypaspistes. Les fantassins arpentaient les collines familières sans se plaindre, entièrement absorbés dans leurs traques et leurs tueries. Les argyraspides leur prêtaient leur appui. Les troupes polyvalentes continuaient méthodiquement leur chasse, rétrécissant progressivement le cercle délimité par leur déploiement.

Les rabatteurs s’employaient à servir Mithridate avec zèle. Les peaux des lions à la couleur d’or, des hures de sangliers immenses s’accumulaient comme trophée de chasse. Le roi avait lui-même tué nombre de ses bêtes. Les somatophylaques frémissaient des risques pris par le jeune roi mais ne désobéissaient pas à l’interdiction de l’aider. Plusieurs cicatrices couturaient maintenant les avants bras du souverain, mais, fierté des militaires qui le regardaient avec adoration, aucune sur le dos ! Pourtant, chaque nuit après ces traques, le roi retrouvait avec tristesse son campement. Ses yeux hantés par une vision d’amas de pierres rouges, de sang séchés et d’ossements d’enfants.

Le rabatteur s’agenouilla en accomplissant une proskynèse maladroite devant le roi.
« Basileus, nous avons trouvé son antre ! »

Le regard du souverain étincela de lueurs étranges et intenses, mêlant colère et tristesse. « Ils seront vengés par ma justice » songea le roi en revêtant son armure. Le garde amena son cheval à Mithridate. Déjà les chevaux de l’âgema, sensibles à l’excitation ambiante, hennissaient d’impatience. Les cavalcades de l’escadron royal succédèrent rapidement à cette scène.

Les arbres enfonçaient profondément leurs racines dans le sol et s’élevaient par un tronc fin et droit. Leurs ramures portaient de l’ombre, mais dissimulaient les belluaires aux regards les uns des autres. L’endroit était néanmoins gardé, jamais l’animal ne pourrait sortir vivant du périmètre gardé par les troupes. Mais le roi décida de partir seul avec ses chiens au combat. Il délaissa son armure ouvragée de roi pour une cuirasse moins luxueuse et plus résistante.
L’ascension de la colline par Mithridate commença. Ses chiens de chasse préférés, Triaque et Périttas des noms de ceux d’Alexandre le Grand, bondissaient avec allégresse de cailloux en rochers, puis des rocs sur les sentiers de chèvres serpentant sur les collines abruptes. Dressés à ne pas aboyer, ils étaient de redoutables armes de combat par leurs mâchoires puissantes garnis de crocs acérés. Comme protection les veneurs les avaient revêtus de sous-ventrières défendues par des aiguillons. Aiguillons parsemant aussi leurs colliers.

Le lion les regardaient, impassible comme la montagne, de toute sa prodigieuse hauteur. La crinière rouge et or flottait autour de la gueule énorme. Chaque patte semblait de la taille d’un tronc. L’animal respirait la cruauté et la puissance. Il était la force brute, l’image inversée du roi, la justice contre la force…

Les chiens restaient immobiles, tétanisés, les poils hérissés de peur. Ils aboyaient sans attaquer. Enfin Triaque bondit, suivi de Périttas. Mithridate prit en main son javelot pour le lancer dès l’occasion possible. Le rugissement du lion retentit dans les collines. Il semblait être empreint d’un plaisir féroce. Les griffes jaillirent, éventrèrent les chiens. Sa mâchoire les broyèrent, tenant collier et sous-ventrière pour rien. Le carnage s’arrêta lorsque le javelot de Mithridate jaillit de sa main pour s’enfoncer dans le pelage du grand fauve. La mâchoire relâcha les deux cadavres de chien éventrés et se tourna vers l’humain. Le deuxième javelot siffla dans l’air, touchant une nouvelle fois la cible. Mithridate savait que pour le tuer il fallait le toucher au cœur ou au cerveau, mais les blessures ne pouvaient que l’affaiblir avant la mise à mort. Le cœur de Mithridate se mis à battre follement en comprenant ce qui arrivait. La dimension surnaturelle du lion n’était pas la seule force de l’animal. Les javelots rebondissaient sans s’enfoncer dans son pelage comme pour le lion de Némée. L’animal bondit, brisa dans son vol le troisième et dernier javelot. Les tronçons tombèrent à terre près de Mithridate sa spatha maintenant en main. La trajectoire de l’animal avait été déviée, mais celui-ci revint furieusement vers Mithridate.
Le roi bondit pour éviter l’assaut mais chuta. Il tomba à terre alors que l’animal se ruait vers une mauvaise direction. Les griffes jaillirent de la patte du lion et se balancèrent à moins de la longueur d’une paume de la tête du jeune homme. Mithridate roula sur lui-même pour éviter la seconde patte. Une douleur fulgurante le fit hurler. Les griffes avaient labouré sa jambe laissant de profonds sillons sanglants. L’animal ouvre sa mâchoire et plonge les crocs en avant vers le roi isolé et à terre. « Ils seront vengés par ma justice » hurla le roi en plongeant de toutes ses forces avivées par la douleur sa lame dans la gueule du lion. L’épée longue transperça le palais pour s’enfoncer profondément dans le cerveau du fauve. Ce dernier s’écroula pesamment sur le souverain affaibli.

Il se sentait mourir. L’image d’Arsinoé remplaçait celle de la réalité. Les cheveux blonds roulant sur la blancheur de la peau, comme la lumière sur la neige. Les lèvres rouges comme les cerises de Cérisonte…Le souffle lui manquait sous le poids du monstre. L’image d’Arsinoé, puis son rire qui se substitua au bourdonnement de ses oreilles. Le roi arqua toutes ses forces pour soulever l’une des pattes et mieux dégager ses poumons. Souffle après souffle, le roi remplissait ses poumons, relevait les épaules, se dégageait. L’épée plantée dans la mâchoire du lion servit même de levier pour contribuer à basculer l’animal hors du corps de Mithridate. Enfin, il fut entièrement dégagé. La jambe horriblement lacérée ne pouvait marcher. Puis il installa une attelle à l’aide du fourreau de sa longue épée et de ses bracelets de force coupés en lanières. Le roi déchira ses vêtements pour nettoyer puis bander les blessures. About de force mais pas de courage il entama la pénible descente vers ses compagnons et au-delà, vers Arsinöé.


Les monnaies frappées à Sinope en été 242 portèrent l’image du lion à l’avers et de Diké avec les traits d’Arsinöé au revers. Détail étrange, la déesse portait une peau de lion sur elle, celle de Némée, indiquant par là que la justice donne le courage d’affronter les épreuves et la force de les remporter…